La bête à Bon Dieu, la coccinelle amie du Charolais-Brionnais, décrite en 1934

Article paru dans le numéro de 1934 du Bulletin de la Société d'agriculture de l'arrondissement de Charolles : organe du Syndicat des éleveurs, du Syndicat des emboucheurs du Charollais et du Brionnais et du Syndicat agricole


Lorsque, l’année dernière, le premier cri d’alarme a été jeté pour appeler l’attention des cultivateurs sur la présence possible du doryphore dans leurs champs de pommes de terre, un grand nombre de coccinelles, particulièrement nombreuses cette année- là, nous ont été apportées et signalées comme étant l’ennemi redouté. Il n’en était heureusement rien. Hélas ! il n’en est pas de même en 1934 et un peu partout, dans l’arrondissement, le doryphore, le hideux doryphore, a fait son apparition. A Gueugnon et ses alentours, à Chauffailles, à Beaubery, à Champlecy, etc... des foyers ont été découverts et l’on en découvre chaque jour de nouveaux. Mais autant il faudra faire une guerre acharnée à cet hôte indésirable, autant il faudra épargner la coccinelle, communément appelée Bête à Bon Dieu.

Coccinelle à l'état de nymphe
Coccinelle à l'état de nymphe

La coccinelle — il en existe une très grande diversité, environ mille espèces — est un coléoptère. Comme les carabes, ou jardinières, elle est un auxiliaire précieux des agriculteurs. Il en existe, disions-nous, mille espèces. La coloration et le nombre de ponctuations dont elles sont ornées sont les seules différences qui existent entre elles. Sa larve, peu connue, a pu la faire considérer comme un insecte adulte très nuisible. Il n’en est rien. Mais la confusion s’explique par le peu de ressemblance que présentent la larve et l’insecte. Comme chez tous les coléoptères, chez la coccinelle l’abdomen est protégé par les deux ailes antérieures, bombées et dures, les élytres, qui la recouvrent d’une carapace rouge. La larve, au contraire, se présente sous la forme d’un insecte allongé au corps mou et de couleur noire. Les trois anneaux de son corselet portent, à droite et à gauche, une tache rouge. Tout le corps est, en outre, hérissé de petites protubérances, ou verrues velues, qui lui donnent un aspect rébarbatif. Douée d’une très grande agilité et d’une très grande vivacité, elle recherche, de préférence à tous autres, les végétaux durs et charnus, soit les feuilles et les tiges des cucurbitacées ou encore celles des betteraves. La larve a un appétit plus grand que l’adulte; aussi lorsqu’elle a découvert une colonie de pucerons, elle ne quitte la place qu’après l’avoir entièrement nettoyée de ses hôtes indésirables. L’insecte, on le voit, se substitue avantageusement aux pulvérisations et aux bouillies destinées à détruire les pucerons. En sorte que lorsqu’on l'a découvert, bien loin de le détruire, il faudrait, au contraire, en favoriser la multiplication, sur tous les végétaux ou plantations envahis par ces parasites minuscules.

Coccinelle mangeant des pucerons
Coccinelle mangeant des pucerons

Avec les premiers beaux jours la coccinelle abandonne sa retraite hivernale, granges, appartements, écorces, débris végétaux de toutes sortes, et pond tout aussitôt une génération nouvelle.

En mai, les larves ont atteint la taille qu’elles ne dépasseront pas ; la mère, guidée par son instinct, a pondu ses oeufs au nombre de 10 à 14 environ, non loin d’un campement de pucerons qui, pendant longtemps, pourvoiront à la subsistance de sa famille, pourrait-on dire.

Après avoir passé par plusieurs mues successives, la larve, de noire qu’elle était, devient bleu ardoise; elle conserve cependant ses ponctuations rousses. Lorsque sonne l’heure de la nymphose, en vue de sa transformation en chrysalide, elle s’accroche solidement par l’extrémité de l’abdomen, au moyen d’un fil de soie qu’elle secrète, à une brindille, à une feuille ou à un rameau ; elle se courbe ensuite en avant, sa tête disparaissant peu à peu. Les poils dont sont recouvertes ses protubérances tombent ; elle se présente alors sous la forme d’un 

croissant fortement bombé; la peau se rompt enfin suivant une ligne qui suit le dos; la nymphe fait son apparition. Mais tandis que chez beaucoup d’insectes la nymphe est libre, cette dernière demeure attachée à sa dépouille larvaire qui semble lui servir de petit coussin. L’insecte ne conserve pas longtemps cette forme fixe et inerte. Sous cette apparence mortuaire des transformations se succèdent. Un beau jour la coccinelle sort de l’enveloppe qui la retenait prisonnière et recommence à jouer le rôle bienfaisant que la nature lui a dévolu. Il est est probable que, au cours des beaux jours, plusieurs générations se succèdent pour le plus grand bien des agriculteurs. Deux sont certaines pour le moins, puisque sur les mêmes végé taux on rencontre fréquemment des oeufs, des larves et des adultes. Le malheur est que les pucerons sont plus prolifiques encore que les coccinelles. Elles auront beau faire, elles ne sauraient jamais les détruire tous. Leur action est néanmoins très grande, et c’est à bon droit qu’on doit les considérer comme des auxiliaires précieux des agriculteurs.

A. Michel.